EIRL évolutions projet EIRL par Sénat
EIRL : "Le sort des créanciers sera pris en compte par le Sénat"
Le projet de loi sur l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) vient de passer la première étape de l’Assemblée nationale. Avant le passage devant le Sénat, Maître Frédéric Roussel, notaire, qui a participé mardi à une audition sur le sujet, nous indique les possibles modifications et évolutions du texte.
Interview Maître Frédéric Roussel
Vous avez participé mardi à une audition sénatoriale sur le projet de loi sur l’EIRL. Quels sont les points qui ont été abordés ?
Frédéric Roussel : Nous sommes bien sûr revenus sur la disposition modifiée par les députés qui rend la déclaration d’affectation opposable à tous les créanciers, donc y compris aux créanciers antérieurs. Cet article me paraît non-constitutionnel ! Il crée une rupture d’égalité entre créanciers postérieurs et antérieurs. Aujourd’hui, le créancier professionnel a devant lui un débiteur qui peut lui remettre l’intégralité de son patrimoine mais demain, avec l’EIRL, il pourrait se retrouver avec une garantie correspondant au seul patrimoine affecté (qui pourrait alors être de 50 euros !…). Le créancier antérieur se retrouverait ainsi limité à une portion congrue et donc désavantagé. Mais nul doute que le Sénat devrait revoir cette disposition.
Et si le Sénat ne "rectifie pas le tir" ?
Frédéric Roussel : Si ce n’était pas le cas, cela nuirait à la mise en place du régime, les partenaires financiers du créateur pouvant légitimement se considérer comme les parents pauvres de cette réforme. Les fournisseurs pourraient par exemple revoir leurs conditions.
La mission d’évaluation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes sera-t-elle validée ?
Frédéric Roussel : Le Sénat ne voit aucun problème à confier cette mission à l’expert-comptable ou au commissaire aux comptes. Cependant, si le notaire est saisi pour affecter un bien immobilier (prévu par l’article L 526-8 du code de commerce), faut-il demander à ces professionnels de procéder à l’évaluation de l’immeuble (qui sera forcément supérieur à 30000 euros) ? Il me semble que ce n’est pas leur boulot.
Le rôle dévolu au dépôt annuel des comptes sera-t-il maintenu ?
Frédéric Roussel : Le rôle juridique donné au dépôt annuel des comptes est utile et nécessaire. La déclaration initiale d’affectation suffira et les comptes cristalliseront chaque année la composition du patrimoine affecté. Mais si l’actualisation du patrimoine est bien prévue par le texte, quid de son évaluation ? L’évaluation doit se faire en valeur historique et non tous les ans. Nous avons suggéré d’acter le fait que l’évolution du patrimoine affecté se constate par la voie de la subrogation, c’est-à-dire que chaque année, de nouveaux éléments de patrimoine remplacent les précédents dans les mêmes droits et obligations. Cela simplifiera la question pour tous et le geste comptable suffira.
Avez-vous suggéré d’autres modifications ?
Frédéric Roussel : Nous avons demandé des éclaircissements concernant les conséquences d’un décès car il faudra gérer la période d’indivision. Nous avons également évoqué la protection du consentement du conjoint lors de l’affectation d’un bien commun, et le sort du bien indivis. Et nous avons insisté lourdement sur le cas de la donation du patrimoine affecté qui n’est pas prévu pour l’instant par le texte.
Selon vous, quels seront les clefs du succès de l’EIRL ?
Frédéric Roussel : Une bonne partie du succès de l’EIRL va sans doute reposer sur le système de cautions mutuelles pour éviter les cautions individuelles "à la sauvette" (caution du conjoint, caution personnelle). Le gouvernement va mettre en place un dispositif avec Oséo et la Siagi (pour les artisans) qui devraient apporter leur garantie à des conditions attractives : une commission d’engagement de l’ordre de 1,20% des capitaux a été évoquée, jusqu’à 70% du montant à couvrir.
Sinon, tout repose sur une savante alchimie entre simplicité de mise en œuvre et geste d’affectation. Il s’agit juste d’extraire de son patrimoine même une petite somme pour désaffecter le reste. La protection renforcée de la famille va permettre à l’entrepreneur de prendre plus de risques en matière d’investissement et d’embauche. Et ce, en ayant la capacité de discuter les garanties. Même s’il introduit une responsabilité limitée, ce régime permet une responsabilisation de l’entrepreneur.
Par Céline Chapuis
Source : Actuel expert comptable
Le Sénat anticipe déjà les modifications à apporter en avril prochain au projet de loi sur l’EIRL voté par l’Assemblée Générale.
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